Mesdames, Messieurs,
En vos divers titres et encore plus nombreuses qualités,
Quel plaisir de vous retrouver ici.
Tout d'abord un grand merci au Bourgmestre de Bruxelles d'avoir la gentillesse de nous accueillir en son Hôtel de Ville.
Il est en ce jour compliqué d’appréhender l’actualité sans prendre le risque de susciter une crise anxiogène, comme il est inconcevable de parler de fête sans évoquer un contexte où les esprits sont sidérés par la déraison du temps présent.
Dans une chanson, Stephan Eicher appelait face à l’information oppressante à le laisser « déjeuner en paix ».
J’entends des jeunes gens encore aux études dire qu’ils renoncent à écouter les informations, regarder les JT, ou même lire tout journal, de peur d’être submergés par le flux des nouvelles catastrophiques.
Crise sanitaire, crise énergétique, guerre aux portes de l’Union Européenne, dérèglement et désastres climatiques : voici le menu servi - ad nauseam- à nos opinions publiques.
Aussi, ce rejet de la violence des faits engendre-t-il même une forme de catalepsie dans l’opinion.
Les démocraties ne peuvent fermer les yeux sur cette dérive catatonique de pans entiers de nos populations, livrées aux peurs et angoisses d’un monde aux lendemains menaçants, d’un monde en perte de repères. C’est effectivement la sidération qui s’empare des catégories les plus précaires, comme des classes moyennes, face à l’empire de l’incertitude du lendemain. Mais il existe aussi une exaspération.
Alors que faire ? Il faut réouvrir les champs de l’horizon. Donner une perspective. Bref, prendre soin de notre société troublée en mettant l’accent sur sa capacité de résilience et sa force de redressement.
Or, qui mieux que la Communauté par ses compétences qui sont l’enseignement, la culture, le sport, la jeunesse, la recherche, peut porter ce message de résistance aux adversités, de redéploiement et d’espoir ?
Alors, la Fédération Wallonie-Bruxelles peut-elle répondre à cette gageure ? Certes pas seule. Régions, État fédéral et Union Européenne mobilisant leurs atouts divers sont indispensables à cette reconstruction de la confiance en l’avenir, l’esprit d’entreprendre pour soi et pour les autres.
Ma conviction, comme Président d’Assemblée est que le rôle de la puissance publique est essentiel dans un contexte de violence des marchés envers les citoyens-consommateurs désabusés. Il en va de même pour la défense de nos valeurs aussi fondamentales que la liberté et l’égalité sociale.
Le cœur de cet enjeu sociétal est donc bien de rétablir la confiance en notre système démocratique, tout en affrontant les problèmes du quotidien de nos mandants.
Se chauffer, se nourrir, se déplacer, se soigner, garantir un travail qui permet de subvenir honorablement aux besoins de ceux que l’on aime.
Tous ces défis sont à des années lumière des discussions de l’entre-soi politique sur des questions de machinerie institutionnelle. En ce jour de commémoration des valeurs que porte la Communauté française posons-nous la question que voici : comment nos compétences, nos moyens, peuvent être mobilisés pour rendre foi aux citoyens et leur mettre les outils en mains pour forger un avenir positif ?
A l’heure de la spéculation sur les combustibles et aliments, à l’heure des fake-news, à l’heure des simplismes et des populismes, à l’heure du désemparement face au bruit des bottes, à l’heure de la nature vengeresse contre l’humanité, à l’heure où des femmes sont tuées pour ne pas porter correctement un bout de tissu sur la tête, à l’heure où le multilatéralisme, comme fondement de la paix mondiale reçoit les coups de boutoir de régimes autocratiques, à cette heure précise, nous avons besoin de forger de beaux cerveaux. Des générations parées face aux défis de l’adversité.
L’enseignement et la culture, disais-je, sont les mamelles nourricières d’une démocratie.
Ce sont eux, ces leviers qui prépareront à prendre les mesures face à ce monde changeant, pétri d’incertitudes.
Il s’agit de se préoccuper avec l’aide de nos chercheurs des réponses innovantes à apporter face à cette pathologie systémique de l’homo economicus moderne dont les modes de consommation et de production actuels conduisent à engloutir déraisonnablement les ressources naturelles pourtant limitées, sans se préoccuper de l’humain, sans se préoccuper du vivant.
Notre institution a la force et le devoir de nourrir une contre-offensive basée sur la culture de l’universalisme des droits pour donner sens à une marche du monde que nous devons maîtriser, et non pas subir, avec les outils du rationalisme et dans un esprit de tolérance, orienté vers le progrès de l’Humanité.
Nous n'avons par conséquent plus le choix :
- Ou nous répondons aux épreuves du temps en modelant notre système sociétal pour nous adapter en innovant et en agissant,
- Ou nous vivrons sous le joug des chocs systémiques, dans le chaos et la tragédie, exposés à d’énormes problèmes comme les dérives des sociétés liberticides, la raréfaction des ressources vitales telles que la nourriture saine, l’énergie.
Dans tous les cas de figure, la situation s'imposera à nous de façon implacable…
Si le génie humain existe, c'est bien ici et maintenant qu'il doit se manifester par nous et pour nous.
Et pour cela, les pouvoirs publics sont le moyen et le rempart contre l’errance des marchés et les dérives de l’individualisme forcené qui conduit au chacun pour soi, au détriment même de l’équilibre général, sans lequel, nulle liberté, nulle égalité, ni épanouissement ne sont possibles.
La tâche est immense et le défi vertigineux, il conviendra de mettre en place des stratégies de transformation collectives afin de baliser notre avenir.
Ces moments de transition doivent se prémunir d’une casse sociale, car en aucun cas, il n’est tolérable que des changements profonds s’accommodent d’un affaiblissement des plus fragiles.
D’autant plus que les populations précarisées sont, à leur détriment, la mire et la proie des poujadistes de tout poil.
Vu sous cet angle, nous aurons compris qu’il s’agit d’un défi sociétal, d’un défi culturel, voire même anthropologique.
C'est l'ensemble de nos représentations qu'il faut remettre en question et repenser, en forgeant de nouveaux imaginaires imprégnés d'une résilience éclairante, mais aussi générateur d'espoirs lucides.
À cette fin, il convient de produire un narratif inspirant pour les gens, rivé sur les valeurs qui nous définissent, de solidarité, d'altérité, de partage, de compréhension et de devoir envers l’Humanité.
Les parlements, et le nôtre en particulier, ont une particulière responsabilité à cet égard.
Mais l’éthique de l’engagement des pouvoirs publics requiert, par devers elle, aussi une mobilisation des citoyens toutes générations confondues.
Car s’il est vrai que nous ne sommes pas nécessairement responsables du passé, nous restons toutes et tous responsables de l'avenir.
Ayons donc l’intelligence politique d’ôter nos œillères et de réexaminer ensemble ce qui fait sens. À cette fin, il nous faut, médias et politiques, nous attaquer aux causes-racines des préjugés où s’expriment de plus en plus la haine, le rejet de l’autre, l’hypertrophie de l’ego, les communautarismes d’exclusion, charriant en fin de compte, comme un limon boueux, des simplismes populistes. Des simplismes dévastateurs pour nos régimes de démocratie parlementaire.
Alors que, comme je le rappelais l’an dernier, les réseaux numériques incarnaient la promesse d'une grande communauté humaine de partage, ils nous donnent à voir des agrégats d'individualités faisant masse, incapables d’établir un rapport équilibré à autrui, en recherche perpétuelle de boucs émissaires, totalement incapables de faire société.
Il convient, pour s'y faire entendre, de parler haut, de parler fort, de choquer même et les fake news virales y nourrissent les fantasmes les plus extravagants, fournissant ainsi le terreau de prédilection pour tous les extrémismes.
En quelque sorte, c’est le règne du propos tenu au café du commerce, élevé au rang de science.
Dans le chahut des assertions éphémères, plus aucune réflexion…, c'est devenu «l'anti Gutenberg».
Mais quelle faillite de l'intelligence !…
Nous sommes dans un moment de l'histoire qui donne le vertige…
Face à cela, chacun comprend à quel point nos cours d’éducation à la citoyenneté sont plus que jamais indispensables.
Pour résister aux sirènes démagogiques, il est plus que nécessaire de renforcer et de s'appuyer sur nos institutions et les corps sociaux intermédiaires seuls capables de structurer de vrais projets collectifs, pour affronter l’épreuve du réel.
Répétons-le, c'est l'ensemble de nos représentations qu'il faut remettre en question et repenser, revoir notre manière de faire monde en redéfinissant en profondeur les attendus du modèle.
Voilà la tâche qui nous incombe à toutes et à tous aujourd'hui.
La Fédération Wallonie-Bruxelles, a bien évidemment un rôle important à jouer dans ce chantier titanesque.
Et soyez assurés, qu'avec les valeurs universelles qui constituent son ADN, elle prendra à bras le corps ces défis fussent-ils vertigineux.
Bonne fête de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Merci.